Les bibliothécaires de la Médiathèque de Villefranche-sur-Saône ont sélectionné des ouvrages autour des auteurs invités et des thématiques des Assises 2020. Découvrez leur sélection.
Les coups de cœur parmi les auteurs invités
Franck Bouysse, Né d’aucune femme (La Manufacture de livres, 2019)
Voici une histoire sombre et poignante qui nous plonge dans la destinée de Rose, une jeune fille de 14 ans vendue par son père, pauvre paysan, à un mystérieux « maître des forges ». A partir de ce moment, le lecteur va assister à une vertigineuse et douloureuse descente aux enfers. C’est un récit empreint d’une violence hallucinante où la naïveté et l’innocence de Rose n’ont d’égal que la perversité et la cruauté de ses maîtres.
C’est à travers des cahiers confiés à un prêtre que le lecteur entre dans le secret tragique de Rose, cahiers qu’elle aura elle-même écrits et dans lesquels elle raconte toute sa détresse avec des mots qu’elle aura réussi à apprivoiser, à leur faire confiance car eux au moins ne la trahiront pas.
C’est une histoire au cadre magique comme seuls les contes immémoriaux savent en créer, conjugué à une atmosphère lourde et pesante qui rappellent les romans gothiques, frôle parfois le désespoir et franchit les limites du nommable et du soutenable. Une histoire cruelle portée par une écriture subtile et fine dont l’élégance permet de puiser la force au tréfonds de la détresse de l’âme humaine, de faire jaillir ces petites étincelles qui donnent naissance aux flammes les plus lumineuses.
Paolo Cognetti, Sans jamais atteindre le sommet (Stock, 2019)
Suivant les traces de Peter Matthiessen dans de son livre « Le Léopard des neiges » et accompagné de quelques amis, Paolo Cognetti part à la découverte des montagnes du Dolpo, une région reculée au nord-ouest du Népal.
Dans son carnet de voyage, émaillé de beaux dessins de vallées, de lacs et de cols de montagne, l’auteur célèbre la beauté des paysages, la simplicité de l’expérience de la marche, rend compte de ses rencontres avec les habitants de ses contrées lointaines, de leurs habitudes et de leur mode de vie authentique, de la beauté des moutons bleus et de celle, invisible, du léopard des neiges.
Mais c’est surtout l’histoire intimiste d’une quête intérieure en parfaite harmonie avec la nature : ne pas chercher à atteindre le sommet c’est se réserver le droit d’en rêver, d’en tracer des rondes à la manière des bouddhistes, d’effectuer un éternel retour dans un « désir de compréhension » et non de « conquête ».
Bérengère Cournut, De pierre et d’os (Le Tripode, 2019)
Bérengère Cournut nous invite à découvrir le destin d’une jeune femme inuite qui, suite à une rupture de la banquise, dérive, livrée à elle-même dans la nuit polaire. L’autrice décrit avec beaucoup de détails passionnants – et ce sans jamais s’être transporter physiquement dans le grand nord – le voyage qu’entreprend Uqsuralik, son héroïne, pour résister au froid, à la faim, à la solitude. Cette dernière devra nouer des relations avec d’autres êtres vivants pour survivre dans ce royaume de glace, et s’exposer à leur dureté, à leur folie parfois. Un livre traversé par une veine onirique et poétique où la nature occupe, pour notre plus grand plaisir, le devant de la scène.
Bérengère Cournut, Née contente à Oraibi (Le Tripode, 2016)
Le livre raconte l’histoire d’une jeune Amérindienne, Tayatitaawa, et son peuple qui vit dans les plaines arides des plateaux de l’Arizona. Un roman magique qui nous immerge dans la beauté, la pureté et l’harmonie qui règne entre les éléments, la nature, les animaux et le peuple Hopi qui communique avec les esprits pour invoquer leurs bonnes grâces.
A travers les étapes clés de la vie de la jeune fille, Bérengère Cournut retrace les croyances des Hopis, leurs coutumes, leurs rêves, leurs multiples cérémonies qui s’articulent autour des saisons et du mythe de l’éternel retour. Elle dépeint aussi les multiples sentiers du paysage intérieur de la jeune fille qui apprend à vivre pleinement son indépendance à la recherche de son identité.
Le roman est agrémenté d’un cahier de photographies qui permet au lecteur de s’imprégner de la culture et du mode de vie du peuple Hopi, tout simplement merveilleux et fortement dépaysant.
Le style de Bérengère Cournut est empreint de poésie et coule en douceur tel un ruisseau caché sous les plaines de la mesa pour donner l’étincelle de vie et nourrir les rêves de la jeune Amérindienne.
Mary Dorsan Le présent infini s’arrête (P.O.L, 2015)
Un appartement thérapeutique en région parisienne. La narratrice, infirmière en pédopsychiatrie travaille auprès d’adolescents fragiles et psychotiques. Au jour le jour elle nous ouvre les portes de cet univers hors du commun. C’est une histoire mêlée, celles des patients, Jean-Marc, Djamel, Thierry, Aurélie, Hisham,..et celles des soignants Caroline, Constant, Irène, Nathan…Une histoire entre fatigue, colère, peur, violence, tendresse et empathie.Un récit saisissant, bouleversant, au plus proche des ressentis, écrit très sobrement avec justesse, sensibilité, humour parfois. Une tentative pour essayer de comprendre, raconter ce que c’est ce travail.
Les coups de cœur thématique
L’incertitude
Pierre ZAOUI La traversée des catastrophes – Philosophie pour le meilleur et pour le pire (Points poche, 2013)
Publié en 2010, cet essai revigorant du philosophe Pierre Zaoui est à relire ou découvrir aujourd’hui à l’heure où nous sommes tous secoués par la crise du COVID. Il prend alors une résonance toute particulière. Bien loin du manuel de développement personnel, Pierre Zaoui interroge notre rapport aux épreuves auxquelles nous devons tous nous confronter. Traverser le pire pour aller vers le meilleur ? Un ouvrage pour aider à penser et vivre le moment présent.
La nature
Amy LIPTROT L’écart (Globe, 2018)
Partons pour les Orcades, ces îles au nord de l’Ecosse et arpentons le paysage avec Amy Liptrot.
A 20 ans elle quitte ou plutôt fuit son village natal battu par les vents pour la vie londonienne qu’elle espère moins rude. Elle déchante vite, sombre dans l’alcoolisme et décide dans un dernier sursaut de revenir à son point de départ.
C’est finalement là qu’elle trouvera la force pour mener son combat contre l’alcoolisme.
Fine observatrice de son environnement, faune, flore… elle l’est tout autant des ses paysages intérieurs.
Arpenter pour se reprendre en somme.
La nature en huis clos
Jean HEGLAND, Dans la forêt (Gallmeister, 2017)
Au cœur de la forêt, sur la côte ouest des Etats-Unis, deux jeunes filles se retrouvent seules au monde dans la maison familiale. Leurs parents sont morts, il n’y a plus ni eau ni électricité, plus d’internet, plus d’essence. Pour survivre elles devront rester unies malgré les difficultés et les différences. Quand l’une est obsédée par la danse, l’autre ne pense qu’à son admission à Harvard. Peu à peu, elles vont prendre leur destin en main et c’est en se reconnectant à la nature environnante que se dessinera une nouvelle vie. Un huis clos psychologique terriblement efficace et oppressant qui se double d’une réflexion sur la survie de l’humanité. Paru il y a 20 ans aux États-Unis, ce roman nous incite aujourd’hui en ce temps de pandémie à regarder l’avenir d’un autre œil.
Christian GUAY-POLIQUIN, Le poids de la neige (Ed. de l’Observatoire, 2017)
Ambiance d’apocalypse. Une cabane loin de tout dans de magnifiques paysages de glace, une panne d’électricité géante, un étrange face-à-face entre deux hommes qui dépendent l’un de l’autre pour leur survie. Le jeune narrateur a failli périr dans un accident de voiture en voulant rejoindre son père mourant. Gravement blessé, il ne parle plus, ne peut pas bouger et dépend du bon vouloir de son hôte, un homme plus âgé, coincé là, lui aussi par le hasard. La cohabitation va se révéler compliquée… Un roman terriblement bien mené, énigmatique à souhait, cet univers de neige est véritablement envoûtant.
Le huis clos
Christophe BOLTANSKI La cache (Stock, 2015)
Christophe Boltanski nous invite dans l’appartement familial à Paris, un endroit figé dans le temps qui abrite trois générations. En passant de pièce en pièce c’est l’histoire de sa famille bohême et fusionnelle que l’on découvre. Une tribu attachante soudée autour de la pièce maîtresse : Mère-Grand, qui malgré un corps meurtri par la polio possède un féroce appétit de vivre. Cette famille qui vit repliée sur elle-même comme un seul corps souffre d’une peur panique de tout. Il faudra remonter le temps, suivre les indices pour comprendre l’origine de cette peur des autres et « du pire car il est toujours sûr »…Un premier roman drôle et grave à la fois, à la construction originale qui nous démontre, s’il en était besoin, qu’enfermement peut aussi rimer avec créativité !
Mick KITSON, Manuel de survie à l’usage des jeunes filles (Métaillé, 2018)
Sal et Peppa se réfugient dans une forêt reculée des Highlands pour fuir un monde qui cherche à les séparer, une mère alcoolique et impuissante face à un beau-père violent. Les deux filles devront apprivoiser la nature et composer avec un monde hostile, semé de dangers et de menaces, mais Sal, 13 ans, est prête à tout pour protéger sa petite sœur. Au fil de l’histoire, elles rencontrent Ingrid, la tendre sorcière de la forêt, qui va prendre soin d’elles et combler le manque de la présence maternelle. Un roman d’initiation et de survie, très émouvant, baigné par la tendresse et l’amour, traversé ici et là par des accès d’angoisse et de cruauté aussitôt balayées par l’énergie et la bonne humeur de la petite sœur.