Laurent Fidelle, de la librairie Lucioles à Vienne, nous propose sa sélection de livres en lien avec les thèmes du festival.
BRUITS DU MONDE
Saison brune, Philippe Squarzoni, éditions Delcourt
En 2006, alors que Philippe Squarzoni crée Dol, une bande dessinée critique sur les dérives des sociétés libérales, il s’attèle aux thèmes de l’écologie et notamment du réchauffement climatique. En 2018, après plus de six ans de recherches approfondies, il en fait une BD.
Saison brune est probablement la bande dessinée la plus documentée sur le sujet, véritable documentaire qui tire vers la vulgarisation scientifique, mais aussi vers une œuvre engagée qui cherche à faire réagir les lecteurs et les institutions.
L’An 01, Gébé, éditions L’Association
Cette bande dessinée a été commencée en 1970 et ses planches ont d’abord été publiées dans Charlie Hebdo. L’an 01 est un appel pour un nouveau monde. Deux ans après Mai 68, Gébé prône une révolution, un « pas de côté » pour changer la société et l’imaginer plus libre, plus proche de la nature, moins assujettie au travail — ce qui rappelle « on arrête tout », un appel très moderne à quitter les usines et les bureaux pour aller cultiver la terre et échanger nos savoir-faire. Ces petites planches très politiques trouvent encore un écho très fort aujourd’hui.
À noter que cette bande dessinée a inspiré un film de Jacques Doillon. Le DVD est vendu avec la BD.
NOUVELLES CONVERSATIONS SUR LE VIVANT
Raviver les braises du vivant, Baptiste Morizot, éditions Actes Sud
Une réflexion sur les effets négatifs d’une vision dualiste de la nature et de la mobilisation pour sa préservation. L’auteur appelle à se ré-approprier la défense du vivant et des milieux de vie, en replaçant l’humain dans le continuum du vivant, à l’opposé des États et des experts, animés par une vision paternaliste inefficace.
Un travail profond sur les actions qui sont déjà menées, un bilan clair et précis accompagné d’une critique de la situation actuelle et des solutions pour replacer l’homme au cœur de l’écosystème et préserver ce dernier.
Pour Baptiste Morizot : « Nous sommes le vivant qui se défend ! »
LES OUTILS DE L’HISTORIEN
Le musée une histoire mondiale tome I : Du trésor au musée, Krzysztof Pomian, Gallimard
Œuvre monumentale, Le musée, une histoire mondiale, tome 1 du trésor au musée est le premier volume d’une trilogie d’essais sur l’histoire très particulière des musées. Pour la première fois, ce volume nous raconte l’histoire de la création des musées : l’accumulation des trésors de civilisations passées, l’idée naissante de les conserver et de les exposer au public.
Une véritable épopée sur notre histoire commune.
FEMINISTES, TANT QU’IL LE FAUDRA
Le musée des sorcières, Catherine Clément, éditions Albin Michel
Catherine Clément ré-interprète l’histoire de la chasse aux sorcières d’un point de vue féministe dans cet essai d’histoire très engagée. Elle explique que ce phénomène n’est qu’une oppression des hommes envers les femmes, envers toutes celles qui ne correspondaient pas à l’idéal de pureté inspiré par la figure de la vierge Marie. Elle revient également sur l’héritage de cette figure et la ré-appropriation qui en est faite aujourd’hui.
Un livre passionnant au ton acerbe, qui pose de véritables questions sur le patriarcat et sur l’Histoire européenne.
SOUS SURVEILLANCE
1984, George Orwell et Fido Nesti, traduit par Josée Kamoun, éditions Grasset
À partir de la nouvelle traduction de 1984 par Josée Kamoun, cette adaptation en roman graphique rend hommage au chef d’œuvre d’Orwell. Les dessins de Fido Nesti nous transmettent parfaitement l’ambiance oppressante du roman et donne l’impression d’être surveillé à chaque page.
L’atmosphère devient presque hypnotique et nous plonge dans un récit qui n’a pas pris une ride. Il est pourtant difficile de donner corps à une histoire aussi allégorique — le moins que l’on puisse dire c’est que c’est une véritable réussite.
Kallocaïne, Karine boye, éditions Les Moutons électriques
Leo Kall, un chimiste qui vit dans la ville des chimiste N°4, est un fervent adepte du régime militaire totalitaire qui gouverne toute la planète : L’état mondial. Trouvant la société encore trop laxiste, il invente un puissant sérum de vérité. Nous plongeons alors dans la psyché de cet homme, façonné par un régime absurde qui continue à faire la guerre sans ennemi.
Roman méconnu, c’est la première dystopie écrite par une femme, en 1940. Kallocaïne est un véritable pont entre Le meilleur des mondes de Aldous Huxley et 1984 de George Orwell.
Ce roman est aussi le testament de Karin Boye, poétesse homosexuelle suédoise qui s’est suicidée en 1941 après avoir vu son pays prêter la main à l’Allemagne nazi.
NOS LIBERTÉS
Nickel Boys, Colson Whitehead, éditions Albin Michel
Voici le dernier roman de Colson Whitehead, qui a eu le prix Pulitzer en 2019. S’inspirant d’un fait divers, il imagine l’histoire d’un jeune garçon fasciné par la figure de Martin Luther King et qui, victime des circonstances et de sa couleur de peau, se retrouve dans une maison de correction pour jeunes délinquants. Lui qui devait intégrer les rangs de l’élite intellectuelle noire, il se réveille aux portes de l’enfer.
C’est l’histoire d’une résistance sans faille à l’oppression, et d’un combat mené pour la mémoire.
À lire également : Underground railroad, du même auteur. Une magnifique fable sur la fuite des esclaves vers les états du nord.
Nord Est, Antoine Choplin, éditions La fosse aux ours
Dans un pays et une époque inconnue, nous suivons un groupe d’hommes qui à pied quitte un camp pour aller vers les plaines du Nord-Est, dans lesquelles ils rêvent de vivre. D’autres attendent des camions qui doivent les emmener, mais décident finalement de ne plus attendre et de partir à pied aussi. En chemin, tous seront confrontés à de nombreuses épreuves et à des individus plus ou moins accueillants.
Superbe roman métaphorique où nous allons suivre ce groupe, dont on ne connait pas l’histoire, qui aspire simplement à rejoindre la terre promise.
Un roman superbement écrit sur le thème de la migration et de l’exil.