Des étudiants proposent leurs critiques de livres des auteurs invités des AIR 2020. Découvrez la critique de 492 Confession d’un tueur à gages de Klester Cavalcanti (Métailié, 2019) par Amélie Doche, étudiante à l’Université Jean Moulin Lyon 3.
Dans le nouveau livre du journaliste d’investigation brésilien Klester Cavalcanti, on dénombre 492 exécutions, au moins autant de familles éclatées, un coupable repenti. Mais aussi : 8 commandements, un abus de confiance et surtout, l’Amazonie, dénuée de tendresse et de poésie.
Júlio Santana commet son premier meurtre à 17 ans, en guise de service à son oncle Cicéro, qu’il croit alors en danger.
« Le soir du meurtre, il ne réussit à dormir qu’après avoir répété le rituel des dix Je vous salue Marie et des vingt Notre Père un nombre incalculable de fois » (p. 39).
C’est ce que Cicéro lui avait conseillé de faire : invoquer Dieu pour expurger ses pêchés. Après tout, lui avait l’habitude – il avait fait de la mort son métier. Júlio Santana raconte comment il est passé d’adolescent chasseur de bêtes à adulte chasseur de têtes : l’amour, nous dit-il. L’amour porté à un oncle, puis à une fille, Rithinha. Ensuite vint l’amour de l’argent et plus tard, celui du pouvoir. En somme, rien de plus inhumain que l’acte et de plus humain que l’homme. C’est l’amour – celui de sa femme et de ses enfants cette fois – qui, quelques décennies après, le conduit à tirer la dernière balle et rendre l’arme.
Il aura fallu sept ans de discussions pour que Júlio Santana autorise Klester Cavalcanti à citer son nom. Les deux hommes, l’un en quête de rédemption, l’autre en quête de vérité, se sont entretenus une fois par mois au cours d’une période s’étalant de 1999 à 2006. C’est sans doute ce qui explique le regard que l’auteur porte sur son sujet : teinté d’un clair-obscur presque émancipateur. L’ombre est omniprésente mais ne dissimule rien. En effet, même si le point de vue interne prévaut, on note quelques nuances d’omniscience qui permettent au lecteur d’accéder aux pensées des personnages entourant Júlio. Par exemple, Carlos Marra, commissaire des armées, est souvent pris à penser que « les séances de torture » (p. 84) sont tout à fait correctes. Cela contraste nettement avec les réflexions du tueur à gages, animées par les maîtres-mots « péché », « Dieu » ou encore « pardon ». Le lecteur en vient à se demander si la clarté n’émanerait pas de ce « si fragile vernis d’humanité » (Michel Terestchenko, 2007).
Ce récit de nature hybride, mi-fictionnel mi-factuel, excelle dans l’art de la subversion. Nous, lecteurs, n’en sortons pas indemnes. Transformés, oui, indemnes, non. C’est ce qui fait sa force.
Sa lecture plaira, sans nul doute, à ceux qui souhaiteraient, le temps d’une lecture, s’éloigner de leur zone de confort. Les toponymes brésiliens, particulièrement saillants dans l’œuvre, donnent à ce grave voyage initiatique une pointe de saveur douce et exotique.
Boa leitura !
Par Amélie Doche.
Étudiante en Master 2 Recherche Langues, Littératures, et Civilisations Anglophones.
Pour aller plus loin, écoutez la lecture d’un extrait de 492 Confession d’un tueur à gages, par Amélie Doche.