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des écritures contemporaines

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Remise du Prix Franz Hessel

Discours de la lauréate Beata Umubyeyi Mairesse

Le vendredi 28 mars à la Foire de Leipzig, les autrices Beata Umubyeyi Mairesse et Zora Del Buono ont été récompensées du Prix franco-allemand Franz Hessel de littérature contemporaine pour leurs romans Le convoi (Flammarion, 2024) et Seinetwegen (C.H Beck, 2024). Le prix a été remis conjointement par Claudia Roth, ministre allemande déléguée à la culture et François Delattre, ambassadeur de France en Allemagne.

Découvrez le discours de Beata Umubyeyi Mairesse : 

 

« Madame la Ministre, Monsieur l’Ambassadeur, Mesdames et Monsieur les membres du Jury,

Je tiens avant tout à vous dire mon immense gratitude pour ce Prix Franz Hessel qui m’honore et m’oblige.

Je suis si émue que parmi la liste de si beaux textes nominés, le jury prestigieux de grands lecteurs ait sélectionné Le convoi, le livre le plus personnel que j’ai écrit à ce jour. Ce prix m’honore parce qu’il porte le nom d’une merveilleuse figure des lettres franco-allemandes, passeur d’histoires entre les deux rives du Rhin. Franz Hessel a été un défenseur de la fraternité, de notre humanité commune avec, pour seules armes, ses mots et une belle idée de l’amitié.

Ce prix m’oblige aussi car il met la lumière sur un livre en français pour lui permettre de voyager vers l’international et notamment vers l’allemand. On écrit toujours depuis une expérience intime, personnelle, en souhaitant qu’elle atteigne un peu d’universel, en entrant en résonance avec d’autres vies. J’ai écrit Le convoi avec l’espoir de retrouver d’autres enfants sauvés comme moi par les convois de Terre des hommes. La version française m’a permis de rentrer en contact avec plusieurs dizaines d’entre eux, l’anglais vient juste de paraître et poursuivra cette tâche. Mais, parce que je sais que certains des enfants vivent aujourd’hui en Autriche et en Allemagne, une traduction vers l’allemand me donnerait l’espoir augmenté de les toucher aussi. Et au-delà, de faire connaître cette histoire au public germanophone.  

Ce prix est aussi un encouragement fort, notamment grâce à sa dotation, à poursuivre mon travail d’écriture dans les mois qui viennent. De cela aussi je vous suis reconnaissante.

Walter Benjamin disait de son ami Franz Hessel que c’était un magicien. Plus de quatre-vingt ans après leur disparition tragique à tous les deux, il me semble qu’un peu de cette magie littéraire aujourd’hui est présente aujourd’hui.

Dans mon livre, je parle du principe énoncé par Daniel Mendelsohn, disant qu’il existe un lien entre toutes choses et qu’il s’agit de le découvrir. Je ne cesse pour ainsi de trouver des échos, comme autant de hasards pleins de signifiants qui me lient à l’histoire de Franz Hessel.                                                                                                                

Comme lui autrefois, j’ai évolué toute ma vie entre deux langues et deux mondes, habitant la frontière pour y construire sans cesse des ponts de compréhension mutuelle. Comme lui j’ai dû fuir mon pays pour échapper à un génocide, hélas lui ne devait pas survivre aux conséquences de son internement au camp des Milles. Comme lui je fais de la littérature un métier à tisser, à métisser des vies prises entre deux pays dont les relations ont un temps été crispées.

Recevoir ce prix franco-allemand au moment où j’envisage justement l’écriture d’un texte qui revisitera l’histoire ancienne entre l’Allemagne et le Rwanda est un autre hasard que je lis comme un signe, un encouragement à poursuivre dans cette voie.

Enfin, ce prix m’a aussi réunie avec Zora del Buono, ma co-lauréate que je félicite chaleureusement et dont le métissage suisso-italien, ne peut manquer de rappeler, dans mon esprit,  que mon sauvetage en 1994 a été le fruit d’une intervention humanitaire suisso-italienne. J’ai très hâte que son livre soit traduit en français pour pouvoir le lire.

Je me suis engagée dans l’écriture de mon récit pour rendre hommage à nos sauveteurs, des hommes et des femmes qui, à l’image de Stéphane Hessel en son temps, s’étaient indignés contre l’entreprise destruction en cours et avaient choisi d’agir. C’est un livre de gratitude et de réunification des enfants dispersés de par le monde. Merci encore de l’avoir distingué ce jour par ce merveilleux Prix Franz Hessel. »

 

  • Saison 2024/2025

Remise du Prix Franz Hessel

Discours de la lauréate Beata Umubyeyi Mairesse

Le vendredi 28 mars à la Foire de Leipzig, les autrices Beata Umubyeyi Mairesse et Zora Del Buono ont été récompensées du Prix franco-allemand Franz Hessel de littérature contemporaine pour leurs romans Le convoi (Flammarion, 2024) et Seinetwegen (C.H Beck, 2024). Le prix a été remis conjointement par Claudia Roth, ministre allemande déléguée à la culture et François Delattre, ambassadeur de France en Allemagne.

Découvrez le discours de Beata Umubyeyi Mairesse : 

 

« Madame la Ministre, Monsieur l’Ambassadeur, Mesdames et Monsieur les membres du Jury,

Je tiens avant tout à vous dire mon immense gratitude pour ce Prix Franz Hessel qui m’honore et m’oblige.

Je suis si émue que parmi la liste de si beaux textes nominés, le jury prestigieux de grands lecteurs ait sélectionné Le convoi, le livre le plus personnel que j’ai écrit à ce jour. Ce prix m’honore parce qu’il porte le nom d’une merveilleuse figure des lettres franco-allemandes, passeur d’histoires entre les deux rives du Rhin. Franz Hessel a été un défenseur de la fraternité, de notre humanité commune avec, pour seules armes, ses mots et une belle idée de l’amitié.

Ce prix m’oblige aussi car il met la lumière sur un livre en français pour lui permettre de voyager vers l’international et notamment vers l’allemand. On écrit toujours depuis une expérience intime, personnelle, en souhaitant qu’elle atteigne un peu d’universel, en entrant en résonance avec d’autres vies. J’ai écrit Le convoi avec l’espoir de retrouver d’autres enfants sauvés comme moi par les convois de Terre des hommes. La version française m’a permis de rentrer en contact avec plusieurs dizaines d’entre eux, l’anglais vient juste de paraître et poursuivra cette tâche. Mais, parce que je sais que certains des enfants vivent aujourd’hui en Autriche et en Allemagne, une traduction vers l’allemand me donnerait l’espoir augmenté de les toucher aussi. Et au-delà, de faire connaître cette histoire au public germanophone.  

Ce prix est aussi un encouragement fort, notamment grâce à sa dotation, à poursuivre mon travail d’écriture dans les mois qui viennent. De cela aussi je vous suis reconnaissante.

Walter Benjamin disait de son ami Franz Hessel que c’était un magicien. Plus de quatre-vingt ans après leur disparition tragique à tous les deux, il me semble qu’un peu de cette magie littéraire aujourd’hui est présente aujourd’hui.

Dans mon livre, je parle du principe énoncé par Daniel Mendelsohn, disant qu’il existe un lien entre toutes choses et qu’il s’agit de le découvrir. Je ne cesse pour ainsi de trouver des échos, comme autant de hasards pleins de signifiants qui me lient à l’histoire de Franz Hessel.                                                                                                                

Comme lui autrefois, j’ai évolué toute ma vie entre deux langues et deux mondes, habitant la frontière pour y construire sans cesse des ponts de compréhension mutuelle. Comme lui j’ai dû fuir mon pays pour échapper à un génocide, hélas lui ne devait pas survivre aux conséquences de son internement au camp des Milles. Comme lui je fais de la littérature un métier à tisser, à métisser des vies prises entre deux pays dont les relations ont un temps été crispées.

Recevoir ce prix franco-allemand au moment où j’envisage justement l’écriture d’un texte qui revisitera l’histoire ancienne entre l’Allemagne et le Rwanda est un autre hasard que je lis comme un signe, un encouragement à poursuivre dans cette voie.

Enfin, ce prix m’a aussi réunie avec Zora del Buono, ma co-lauréate que je félicite chaleureusement et dont le métissage suisso-italien, ne peut manquer de rappeler, dans mon esprit,  que mon sauvetage en 1994 a été le fruit d’une intervention humanitaire suisso-italienne. J’ai très hâte que son livre soit traduit en français pour pouvoir le lire.

Je me suis engagée dans l’écriture de mon récit pour rendre hommage à nos sauveteurs, des hommes et des femmes qui, à l’image de Stéphane Hessel en son temps, s’étaient indignés contre l’entreprise destruction en cours et avaient choisi d’agir. C’est un livre de gratitude et de réunification des enfants dispersés de par le monde. Merci encore de l’avoir distingué ce jour par ce merveilleux Prix Franz Hessel. »