Étudiant-e-s
Découvrez le portrait de Maïssa Sidhoum, étudiante algérienne prenant part au projet L’atelier des deux rives. Elle revient en quelques mots sur son expérience de la formation à la chronique littéraire.
Portrait de lectrice
Peux-tu te présenter en quelques mots et nous parler de ton rapport à la lecture ?
Je me nomme Maïssa Sidhoum. Je suis algérienne. Je suis titulaire d’un Master en Littérature Générale et Comparée. À l’heure actuelle, j’exerce en tant qu’enseignante vacataire au sein de l’université. Je nourris une passion profonde pour la littérature, la musique ainsi que la peinture, domaines qui enrichissent ma vie et inspirent ma réflexion.
Je lis pour me comprendre. Chaque livre est un miroir dans lequel je me reconnais, ou au contraire, me découvre. Les personnages, leurs doutes, leurs espoirs, leurs échecs et leurs victoires me renvoient à mes propres combats. À travers leurs histoires, j’apprends à mieux me connaître, à accepter mes contradictions, à embrasser mes fragilités. La lecture est une introspection, un voyage au plus profond de moi-même.
Je lis pour comprendre, également, le monde qui m’entoure. Les livres sont des fenêtres ouvertes sur des réalités que je n’aurais jamais pu imaginer. Ils me montrent des cultures lointaines, des époques révolues, des perspectives inédites. À travers eux, je découvre la complexité du monde, sa cruauté parfois, mais aussi sa grâce.
Je n’ai jamais vraiment lu pour le plaisir, du moins pas au sens traditionnel du terme. Pour moi, la lecture n’est pas une simple distraction ou un passe-temps, mais plutôt une nécessité, une quête de sens. Le plaisir que j’y trouve vient de la lucidité qu’elle m’offre. La lecture, pour moi, est une manière de mieux comprendre, de mieux vivre, et de mieux être.
Quels genres de livres aimes-tu lire ? Y a-t-il un livre qui t’a particulièrement marquée récemment ?
J’aime lire des livres qui me déstabilisent, qui ébranlent mes certitudes et me poussent à la réflexion. Ce sont des ouvrages qui me confrontent à mes démons, qui m’obligent à me remettre en question et à explorer des vérités parfois inconfortables. Je suis particulièrement attirée par les livres d’actualité qui, tout en s’enracinant dans la réalité, la transcendent pour révéler des dimensions plus profondes, universelles, voire intemporelles. Ces lectures ne se contentent pas de décrire le monde tel qu’il est ; elles le dépassent, l’interrogent et m’invitent à en faire de même.
Récemment, j’ai lu un livre qui m’a sauvée d’une angoisse née de la déception procurée par un roman qui ne m’avait pas convaincue. C’est Les éléphants ne meurent pas d’oubli de l’écrivaine algérienne francophone Amina Mekahli dont je vous parle. C’est un recueil de nouvelles, écrit, paradoxalement, avec une légèreté profonde. À chaque texte, je croisais des personnages nouveaux, bizarres, déséquilibrés, tiraillés entre la mémoire et l’oubli, entre rester et partir. Ces récits, tout en étant empreints d’une apparente simplicité, m’ont offert une profondeur insoupçonnée, comme une invitation à accepter les contradictions de l’existence et à trouver la beauté dans l’imperfection.
Ce livre, comme une main tendue, m’a redonné l’envie de lire et m’a rappelé la puissance des récits qui nous touchent en profondeur. Étrangement, nous parlons rarement des livres qui nous déçoivent, comme si la déception était un sujet tabou ou une expérience honteuse. Pourtant, je me demande si cette déception n’est pas inévitable, voire nécessaire, pour affiner notre discernement et apprendre à distinguer le bon du mauvais.
Comment choisis-tu tes lectures ? (conseils d’amis, critiques, hasard en librairie ou bibliothèque, etc.)
Je choisis mes lectures en fonction de ma maturité intellectuelle et psychologique, car je crois profondément que certains livres exigent une préparation intérieure pour être pleinement compris et appréciés. Il y a des œuvres qui, par leur complexité, leur profondeur ou leur charge émotionnelle, ne se révèlent qu’à ceux qui sont prêts à les accueillir.
Je choisis également mes prochaines lectures à partir des échanges que j’ai avec des amis qui sont de très bons lecteurs, et dont les recommandations me déçoivent rarement. Leur sensibilité littéraire, leur curiosité et leur capacité à discerner des œuvres fortes et originales ont souvent guidé mes choix vers des livres qui m’ont marquée, émue ou transformée. Ces discussions, riches et passionnées, sont pour moi une source d’inspiration inépuisable, car elles m’ouvrent à des univers que je n’aurais peut-être pas explorés seule.
Je choisis mes prochaines lectures en m’appuyant sur la presse littéraire, notamment en suivant les recommandations des critiques littéraires. Leurs analyses approfondies et leurs avis éclairés me guident souvent vers des œuvres qui sortent des sentiers battus ou qui captent l’essence de notre époque.
Je choisis mes lectures en fonction de mes intérêts académiques et littéraires, guidée par une soif de connaissances et une volonté d’approfondir mes réflexions. Mes choix sont souvent orientés vers des œuvres qui nourrissent ma compréhension des courants littéraires, des théories critiques ou des enjeux esthétiques et philosophiques qui traversent la littérature.
Parfois, je me laisse tenter par l’aventure et je choisis un roman directement sur l’étagère d’une librairie, en l’observant minutieusement. Pour moi, un livre est avant tout un objet matériel, et c’est souvent sa matérialité qui m’attire et me pousse à le lire.
As-tu déjà partagé tes impressions de lecture avec d’autres, avant cette formation ? (Discussions, réseaux sociaux, blog, etc.)
Oui ! J’ai un compte Instagram dédié à mes passions littéraires, où je partage régulièrement mes coups de cœur, mais pas seulement. Il m’arrive aussi de critiquer sévèrement certains livres, notamment ceux qui cartonnent sur les réseaux mais qui ne répondent pas à mes attentes. Je crois en l’importance d’être honnête dans mes avis, même lorsque cela va à contre-courant des tendances ou des opinions populaires. Pour moi, la critique, même sévère, est une manière de défendre une certaine exigence littéraire et de nourrir un dialogue authentique autour des livres. Ce compte est un espace où je m’exprime librement, où je partage mes enthousiasmes comme mes déceptions, et où j’invite mes abonnés à réfléchir avec moi sur ce qui fait la valeur d’une œuvre. C’est une façon de rester fidèle à moi-même tout en contribuant à une communauté de lecteurs passionnés.
Quel rôle joue la lecture dans ta vie quotidienne ?
La littérature s’est invitée dans ma vie relativement tard, vers l’âge de 18 ans. C’était un moment charnière, un âge où tout un monde s’effondre pour en construire un autre, où l’on sort de l’adolescence pour commencer à s’affirmer. C’est précisément à cette période que j’ai entamé une licence en langue et littérature française, et c’est là que j’ai découvert cet univers. Ce premier contact avec la littérature était loin d’être magique. À vrai dire, il a été plutôt désagréable, voire intimidant. J’ai immédiatement pensé que je n’avais pas eu le privilège de naître dans une famille où la littérature tenait une place centrale. Je n’étais pas entourée de livres depuis mon plus jeune âge, et le plaisir dont parlaient les écrivains que je voyais à l’écran me semblait lointain, presque inaccessible.
Mais avec le recul, j’ai pris conscience que la littérature était déjà présente dans ma vie, sous d’autres formes. Les contes que me racontait ma tante maternelle, ces histoires tissées de sagesse et d’émotion, c’était de la littérature. Les chansons andalouses que fredonnait ma grand-mère pour pleurer ses défunts parents, ces mélodies chargées de nostalgie et de poésie, c’était de la littérature. Les chansons populaires qu’écoutait mon grand-père de bon matin en se préparant pour sortir, ces reflets d’une culture riche et vivante, c’était aussi de la littérature. Ces expériences, bien que différentes des livres, ont été mes premières rencontres avec la puissance des mots et des récits, et elles ont semé en moi une passion qui ne m’a jamais quittée.
Issue d’une classe sociale modeste, j’ai été confrontée très jeune à des réalités amères, à des défis et à des difficultés qui m’ont souvent laissé un sentiment d’impuissance. La lecture s’est imposée dans ma vie comme une bouée de sauvetage. Je lis pour être sauvée. Sauvée de l’oubli, de l’indifférence, de la monotonie. Sauvée de moi-même, parfois, quand les questions deviennent trop lourdes et que les réponses se font rares. Les livres sont mes bouées, mes phares dans la nuit. Ils me tendent la main quand je me sens perdue, m’offrant des mots qui résonnent avec ce que je ne parviens pas à exprimer.
Expérience de la formation à la chronique littéraire
Qu’est-ce qui t’a motivée à candidater à l’Atelier des deux rives ?
L’Atelier des deux rives a immédiatement capté mon intérêt, car il incarne une rencontre entre deux rives de la Méditerranée qui partagent une histoire commune, riche et complexe. Cet espace m’offre l’opportunité de découvrir des univers littéraires distincts mais intimement liés, chacun porteur de voix, de traditions et de récits uniques. J’y vois une occasion précieuse de croiser les avis, de confronter les perspectives et de dialoguer avec des personnes dont les expériences et les sensibilités diffèrent des miennes, tout en explorant ce qui nous rassemble. La Méditerranée, en tant que carrefour culturel, est un terrain fertile pour des échanges profonds et enrichissants, et cet atelier me semble être le cadre idéal pour tisser des liens à travers les mots et les histoires.
Peux-tu nous présenter comment s’est déroulée la formation à la chronique littéraire ?
La formation à la chronique littéraire s’est déroulée de manière à la fois enrichissante et stimulante. Dès le début, Alix a su créer un cadre bienveillant et interactif. Je me suis sentie libre de partager mes idées et mes questionnements. La séance a commencé par des apports théoriques sur les fondamentaux de la chronique littéraire. Alix Van Pee a insisté sur l’importance de rester fidèle à l’esprit du texte tout en adaptant son discours à un public varié, que ce soit sur les réseaux sociaux ou dans des médias plus traditionnels.
Elle nous a demandé de chroniquer le roman de Monica Sabolo : Tout cela n’avait rien à voir avec moi (JC Lattès, 2013) mais, comme de bons disciples, nous avons joué le jeu, et chacun a donné son avis. Cette expérience a mis en lumière l’importance de confronter les points de vue différents. En effet, la diversité de nos interprétations et de nos réactions face à une même œuvre a enrichi notre compréhension collective et a révélé la complexité de ce texte étrange. Chaque lecture a été unique et a apporté une perspective nouvelle. Ce qui nous a permis de dépasser une vision unilatérale et d’explorer des dimensions parfois insoupçonnées.
Qu’as-tu appris au cours de la formation à la chronique littéraire qui t’a particulièrement marquée ou surprise ?
Ce qui m’a le plus marquée dans cette formation, c’est à quel point Alix Van Pee s’est révélée profondément humaine et généreuse. Elle n’a pas hésité à partager avec nous ses expériences, qu’elles soient ratées ou réussies, ce qui a créé une atmosphère de confiance et d’authenticité. Ses récits personnels nous ont montré que la critique littéraire est un chemin fait d’essais, d’erreurs et d’apprentissages constants.
Mais ce qui m’a particulièrement surprise, c’est la distinction claire qu’elle a établie entre la chronique et la critique littéraire. Or, à l’université, le terme de chronique littéraire n’est pas d’usage. En effet, quelle que soit la nature du jugement porté sur une œuvre qu’il s’agisse d’une analyse, d’un commentaire ou d’une évaluation, on parle généralement de la critique littéraire. C’est ce qui m’a permis de découvrir une nouvelle perspective de la lecture.
As-tu rencontré des difficultés ou des défis en rédigeant ta première chronique ?
Oui ! La chronique que j’ai écrite pendant la formation n’a pas été à la hauteur de mes attentes. Je ne voulais ni me décevoir ni décevoir Alix, mais j’ai réalisé que cela tenait à une habitude que j’ai prise bien avant cette formation : avant d’écrire une chronique, je ne me contente jamais d’une seule lecture. Je relis le texte en m’attardant sur les citations que j’ai sélectionnées, je confronte mes impressions avec ce qui a déjà été dit pour éviter les redites, et je cherche toujours à mettre en avant des détails qui peuvent paraître anodins aux yeux des autres, mais qui, selon moi, font toute la différence. Cette méthode, bien que rigoureuse, demande du temps et une attention particulière que je n’ai pas pu accorder pleinement lors de cet exercice.
Comment cette expérience a-t-elle changé ta manière de lire et de parler des livres ?
Oui ! La formation à la chronique littéraire est celle que j’ai le plus attendue, car elle répond à une question essentielle pour moi : comment mettre en œuvre ce que j’ai appris à l’université en termes de critique littéraire dans un contexte plus accessible, sans sacrifier la rigueur et la profondeur de l’analyse ? Je cherchais à trouver un équilibre entre ce savoir académique, techniquement exigeant, et ce qui se pratique sur les réseaux sociaux, où, à mon avis, on ne rend que rarement justice à l’écrivain et à la majesté de son œuvre. Je voulais apprendre à concilier la précision de la critique universitaire avec la créativité et l’accessibilité nécessaires pour toucher un public plus large, sans jamais perdre de vue le respect et l’admiration que mérite chaque œuvre littéraire.
C’est grâce à la chroniqueuse et critique littéraire Alix Van Pee que j’ai enfin trouvé cet équilibre et réussi à dépasser la question qui me bloquait. Son approche m’a permis de concilier la rigueur académique que j’ai acquise à l’université avec les exigences d’une critique accessible et engageante pour un public plus large. Grâce à ses conseils, j’ai appris à structurer mes chroniques de manière à respecter à la fois l’intégrité de l’œuvre et les attentes des lecteurs contemporains. Cette formation m’a libéré d’un blocage qui me semblait insurmontable, en me donnant les outils pour m’exprimer avec justesse et passion, tout en restant fidèle à mes convictions littéraires.
Après cette formation, envisages-tu de continuer à écrire des chroniques ? Si oui, où et comment aimerais-tu les partager ?
J’aspire à devenir critique littéraire pour mettre en lumière des œuvres de qualité qui, trop souvent, passent inaperçues. Mon rêve est de porter haut la littérature de mon pays, l’Algérie, et de lui donner la place qu’elle mérite sur la scène littéraire internationale. C’est dans cet esprit que j’ai créé une page, un espace modeste, où je souhaite donner voix et plume à tous ceux qui ont écrit sur et pour l’Algérie. Cet espace est pour moi une manière de célébrer la richesse de notre patrimoine littéraire, de valoriser les auteurs qui explorent notre histoire, notre culture et nos réalités, et de partager ces trésors avec un public plus large. À travers cette démarche, je veux contribuer à faire connaître et reconnaître la diversité et la profondeur de la littérature algérienne, tout en créant un dialogue entre les générations et les cultures.
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Étudiant-e-s
Découvrez le portrait de Maïssa Sidhoum, étudiante algérienne prenant part au projet L’atelier des deux rives. Elle revient en quelques mots sur son expérience de la formation à la chronique littéraire.
Portrait de lectrice
Peux-tu te présenter en quelques mots et nous parler de ton rapport à la lecture ?
Je me nomme Maïssa Sidhoum. Je suis algérienne. Je suis titulaire d’un Master en Littérature Générale et Comparée. À l’heure actuelle, j’exerce en tant qu’enseignante vacataire au sein de l’université. Je nourris une passion profonde pour la littérature, la musique ainsi que la peinture, domaines qui enrichissent ma vie et inspirent ma réflexion.
Je lis pour me comprendre. Chaque livre est un miroir dans lequel je me reconnais, ou au contraire, me découvre. Les personnages, leurs doutes, leurs espoirs, leurs échecs et leurs victoires me renvoient à mes propres combats. À travers leurs histoires, j’apprends à mieux me connaître, à accepter mes contradictions, à embrasser mes fragilités. La lecture est une introspection, un voyage au plus profond de moi-même.
Je lis pour comprendre, également, le monde qui m’entoure. Les livres sont des fenêtres ouvertes sur des réalités que je n’aurais jamais pu imaginer. Ils me montrent des cultures lointaines, des époques révolues, des perspectives inédites. À travers eux, je découvre la complexité du monde, sa cruauté parfois, mais aussi sa grâce.
Je n’ai jamais vraiment lu pour le plaisir, du moins pas au sens traditionnel du terme. Pour moi, la lecture n’est pas une simple distraction ou un passe-temps, mais plutôt une nécessité, une quête de sens. Le plaisir que j’y trouve vient de la lucidité qu’elle m’offre. La lecture, pour moi, est une manière de mieux comprendre, de mieux vivre, et de mieux être.
Quels genres de livres aimes-tu lire ? Y a-t-il un livre qui t’a particulièrement marquée récemment ?
J’aime lire des livres qui me déstabilisent, qui ébranlent mes certitudes et me poussent à la réflexion. Ce sont des ouvrages qui me confrontent à mes démons, qui m’obligent à me remettre en question et à explorer des vérités parfois inconfortables. Je suis particulièrement attirée par les livres d’actualité qui, tout en s’enracinant dans la réalité, la transcendent pour révéler des dimensions plus profondes, universelles, voire intemporelles. Ces lectures ne se contentent pas de décrire le monde tel qu’il est ; elles le dépassent, l’interrogent et m’invitent à en faire de même.
Récemment, j’ai lu un livre qui m’a sauvée d’une angoisse née de la déception procurée par un roman qui ne m’avait pas convaincue. C’est Les éléphants ne meurent pas d’oubli de l’écrivaine algérienne francophone Amina Mekahli dont je vous parle. C’est un recueil de nouvelles, écrit, paradoxalement, avec une légèreté profonde. À chaque texte, je croisais des personnages nouveaux, bizarres, déséquilibrés, tiraillés entre la mémoire et l’oubli, entre rester et partir. Ces récits, tout en étant empreints d’une apparente simplicité, m’ont offert une profondeur insoupçonnée, comme une invitation à accepter les contradictions de l’existence et à trouver la beauté dans l’imperfection.
Ce livre, comme une main tendue, m’a redonné l’envie de lire et m’a rappelé la puissance des récits qui nous touchent en profondeur. Étrangement, nous parlons rarement des livres qui nous déçoivent, comme si la déception était un sujet tabou ou une expérience honteuse. Pourtant, je me demande si cette déception n’est pas inévitable, voire nécessaire, pour affiner notre discernement et apprendre à distinguer le bon du mauvais.
Comment choisis-tu tes lectures ? (conseils d’amis, critiques, hasard en librairie ou bibliothèque, etc.)
Je choisis mes lectures en fonction de ma maturité intellectuelle et psychologique, car je crois profondément que certains livres exigent une préparation intérieure pour être pleinement compris et appréciés. Il y a des œuvres qui, par leur complexité, leur profondeur ou leur charge émotionnelle, ne se révèlent qu’à ceux qui sont prêts à les accueillir.
Je choisis également mes prochaines lectures à partir des échanges que j’ai avec des amis qui sont de très bons lecteurs, et dont les recommandations me déçoivent rarement. Leur sensibilité littéraire, leur curiosité et leur capacité à discerner des œuvres fortes et originales ont souvent guidé mes choix vers des livres qui m’ont marquée, émue ou transformée. Ces discussions, riches et passionnées, sont pour moi une source d’inspiration inépuisable, car elles m’ouvrent à des univers que je n’aurais peut-être pas explorés seule.
Je choisis mes prochaines lectures en m’appuyant sur la presse littéraire, notamment en suivant les recommandations des critiques littéraires. Leurs analyses approfondies et leurs avis éclairés me guident souvent vers des œuvres qui sortent des sentiers battus ou qui captent l’essence de notre époque.
Je choisis mes lectures en fonction de mes intérêts académiques et littéraires, guidée par une soif de connaissances et une volonté d’approfondir mes réflexions. Mes choix sont souvent orientés vers des œuvres qui nourrissent ma compréhension des courants littéraires, des théories critiques ou des enjeux esthétiques et philosophiques qui traversent la littérature.
Parfois, je me laisse tenter par l’aventure et je choisis un roman directement sur l’étagère d’une librairie, en l’observant minutieusement. Pour moi, un livre est avant tout un objet matériel, et c’est souvent sa matérialité qui m’attire et me pousse à le lire.
As-tu déjà partagé tes impressions de lecture avec d’autres, avant cette formation ? (Discussions, réseaux sociaux, blog, etc.)
Oui ! J’ai un compte Instagram dédié à mes passions littéraires, où je partage régulièrement mes coups de cœur, mais pas seulement. Il m’arrive aussi de critiquer sévèrement certains livres, notamment ceux qui cartonnent sur les réseaux mais qui ne répondent pas à mes attentes. Je crois en l’importance d’être honnête dans mes avis, même lorsque cela va à contre-courant des tendances ou des opinions populaires. Pour moi, la critique, même sévère, est une manière de défendre une certaine exigence littéraire et de nourrir un dialogue authentique autour des livres. Ce compte est un espace où je m’exprime librement, où je partage mes enthousiasmes comme mes déceptions, et où j’invite mes abonnés à réfléchir avec moi sur ce qui fait la valeur d’une œuvre. C’est une façon de rester fidèle à moi-même tout en contribuant à une communauté de lecteurs passionnés.
Quel rôle joue la lecture dans ta vie quotidienne ?
La littérature s’est invitée dans ma vie relativement tard, vers l’âge de 18 ans. C’était un moment charnière, un âge où tout un monde s’effondre pour en construire un autre, où l’on sort de l’adolescence pour commencer à s’affirmer. C’est précisément à cette période que j’ai entamé une licence en langue et littérature française, et c’est là que j’ai découvert cet univers. Ce premier contact avec la littérature était loin d’être magique. À vrai dire, il a été plutôt désagréable, voire intimidant. J’ai immédiatement pensé que je n’avais pas eu le privilège de naître dans une famille où la littérature tenait une place centrale. Je n’étais pas entourée de livres depuis mon plus jeune âge, et le plaisir dont parlaient les écrivains que je voyais à l’écran me semblait lointain, presque inaccessible.
Mais avec le recul, j’ai pris conscience que la littérature était déjà présente dans ma vie, sous d’autres formes. Les contes que me racontait ma tante maternelle, ces histoires tissées de sagesse et d’émotion, c’était de la littérature. Les chansons andalouses que fredonnait ma grand-mère pour pleurer ses défunts parents, ces mélodies chargées de nostalgie et de poésie, c’était de la littérature. Les chansons populaires qu’écoutait mon grand-père de bon matin en se préparant pour sortir, ces reflets d’une culture riche et vivante, c’était aussi de la littérature. Ces expériences, bien que différentes des livres, ont été mes premières rencontres avec la puissance des mots et des récits, et elles ont semé en moi une passion qui ne m’a jamais quittée.
Issue d’une classe sociale modeste, j’ai été confrontée très jeune à des réalités amères, à des défis et à des difficultés qui m’ont souvent laissé un sentiment d’impuissance. La lecture s’est imposée dans ma vie comme une bouée de sauvetage. Je lis pour être sauvée. Sauvée de l’oubli, de l’indifférence, de la monotonie. Sauvée de moi-même, parfois, quand les questions deviennent trop lourdes et que les réponses se font rares. Les livres sont mes bouées, mes phares dans la nuit. Ils me tendent la main quand je me sens perdue, m’offrant des mots qui résonnent avec ce que je ne parviens pas à exprimer.
Expérience de la formation à la chronique littéraire
Qu’est-ce qui t’a motivée à candidater à l’Atelier des deux rives ?
L’Atelier des deux rives a immédiatement capté mon intérêt, car il incarne une rencontre entre deux rives de la Méditerranée qui partagent une histoire commune, riche et complexe. Cet espace m’offre l’opportunité de découvrir des univers littéraires distincts mais intimement liés, chacun porteur de voix, de traditions et de récits uniques. J’y vois une occasion précieuse de croiser les avis, de confronter les perspectives et de dialoguer avec des personnes dont les expériences et les sensibilités diffèrent des miennes, tout en explorant ce qui nous rassemble. La Méditerranée, en tant que carrefour culturel, est un terrain fertile pour des échanges profonds et enrichissants, et cet atelier me semble être le cadre idéal pour tisser des liens à travers les mots et les histoires.
Peux-tu nous présenter comment s’est déroulée la formation à la chronique littéraire ?
La formation à la chronique littéraire s’est déroulée de manière à la fois enrichissante et stimulante. Dès le début, Alix a su créer un cadre bienveillant et interactif. Je me suis sentie libre de partager mes idées et mes questionnements. La séance a commencé par des apports théoriques sur les fondamentaux de la chronique littéraire. Alix Van Pee a insisté sur l’importance de rester fidèle à l’esprit du texte tout en adaptant son discours à un public varié, que ce soit sur les réseaux sociaux ou dans des médias plus traditionnels.
Elle nous a demandé de chroniquer le roman de Monica Sabolo : Tout cela n’avait rien à voir avec moi (JC Lattès, 2013) mais, comme de bons disciples, nous avons joué le jeu, et chacun a donné son avis. Cette expérience a mis en lumière l’importance de confronter les points de vue différents. En effet, la diversité de nos interprétations et de nos réactions face à une même œuvre a enrichi notre compréhension collective et a révélé la complexité de ce texte étrange. Chaque lecture a été unique et a apporté une perspective nouvelle. Ce qui nous a permis de dépasser une vision unilatérale et d’explorer des dimensions parfois insoupçonnées.
Qu’as-tu appris au cours de la formation à la chronique littéraire qui t’a particulièrement marquée ou surprise ?
Ce qui m’a le plus marquée dans cette formation, c’est à quel point Alix Van Pee s’est révélée profondément humaine et généreuse. Elle n’a pas hésité à partager avec nous ses expériences, qu’elles soient ratées ou réussies, ce qui a créé une atmosphère de confiance et d’authenticité. Ses récits personnels nous ont montré que la critique littéraire est un chemin fait d’essais, d’erreurs et d’apprentissages constants.
Mais ce qui m’a particulièrement surprise, c’est la distinction claire qu’elle a établie entre la chronique et la critique littéraire. Or, à l’université, le terme de chronique littéraire n’est pas d’usage. En effet, quelle que soit la nature du jugement porté sur une œuvre qu’il s’agisse d’une analyse, d’un commentaire ou d’une évaluation, on parle généralement de la critique littéraire. C’est ce qui m’a permis de découvrir une nouvelle perspective de la lecture.
As-tu rencontré des difficultés ou des défis en rédigeant ta première chronique ?
Oui ! La chronique que j’ai écrite pendant la formation n’a pas été à la hauteur de mes attentes. Je ne voulais ni me décevoir ni décevoir Alix, mais j’ai réalisé que cela tenait à une habitude que j’ai prise bien avant cette formation : avant d’écrire une chronique, je ne me contente jamais d’une seule lecture. Je relis le texte en m’attardant sur les citations que j’ai sélectionnées, je confronte mes impressions avec ce qui a déjà été dit pour éviter les redites, et je cherche toujours à mettre en avant des détails qui peuvent paraître anodins aux yeux des autres, mais qui, selon moi, font toute la différence. Cette méthode, bien que rigoureuse, demande du temps et une attention particulière que je n’ai pas pu accorder pleinement lors de cet exercice.
Comment cette expérience a-t-elle changé ta manière de lire et de parler des livres ?
Oui ! La formation à la chronique littéraire est celle que j’ai le plus attendue, car elle répond à une question essentielle pour moi : comment mettre en œuvre ce que j’ai appris à l’université en termes de critique littéraire dans un contexte plus accessible, sans sacrifier la rigueur et la profondeur de l’analyse ? Je cherchais à trouver un équilibre entre ce savoir académique, techniquement exigeant, et ce qui se pratique sur les réseaux sociaux, où, à mon avis, on ne rend que rarement justice à l’écrivain et à la majesté de son œuvre. Je voulais apprendre à concilier la précision de la critique universitaire avec la créativité et l’accessibilité nécessaires pour toucher un public plus large, sans jamais perdre de vue le respect et l’admiration que mérite chaque œuvre littéraire.
C’est grâce à la chroniqueuse et critique littéraire Alix Van Pee que j’ai enfin trouvé cet équilibre et réussi à dépasser la question qui me bloquait. Son approche m’a permis de concilier la rigueur académique que j’ai acquise à l’université avec les exigences d’une critique accessible et engageante pour un public plus large. Grâce à ses conseils, j’ai appris à structurer mes chroniques de manière à respecter à la fois l’intégrité de l’œuvre et les attentes des lecteurs contemporains. Cette formation m’a libéré d’un blocage qui me semblait insurmontable, en me donnant les outils pour m’exprimer avec justesse et passion, tout en restant fidèle à mes convictions littéraires.
Après cette formation, envisages-tu de continuer à écrire des chroniques ? Si oui, où et comment aimerais-tu les partager ?
J’aspire à devenir critique littéraire pour mettre en lumière des œuvres de qualité qui, trop souvent, passent inaperçues. Mon rêve est de porter haut la littérature de mon pays, l’Algérie, et de lui donner la place qu’elle mérite sur la scène littéraire internationale. C’est dans cet esprit que j’ai créé une page, un espace modeste, où je souhaite donner voix et plume à tous ceux qui ont écrit sur et pour l’Algérie. Cet espace est pour moi une manière de célébrer la richesse de notre patrimoine littéraire, de valoriser les auteurs qui explorent notre histoire, notre culture et nos réalités, et de partager ces trésors avec un public plus large. À travers cette démarche, je veux contribuer à faire connaître et reconnaître la diversité et la profondeur de la littérature algérienne, tout en créant un dialogue entre les générations et les cultures.
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